mercredi 12 janvier 2011

post-moderne mais alors vraiment, vraiment poste de police

Il m'arrive parfois (souvent en fait) de ne plus savoir quoi penser. Et cela m'arrive avec le post-modernisme.
Si je reconnais à Bofill le mérite de faire habiter les gens "quelque part", ce qui, vous en conviendrez, pour l'architecture est le minimum, il m'arrive même de trouver intéressantes et belles des expériences du type d'Antigone.
Dans l'exposition du comité de vigilance brutaliste d'Evreux, sur une belle gravure de Piranèse aimablement prêtée par le fonds ancien de la ville, j'ai disposé dans les marges de la planche nous montrant le Vatican, des cartes postales de bâtiments de Ricardo Bofill.




C'est une position ironique certes, les cartes postales au bord, prêtes à tomber font évidemment vibrer directement l'une des nombreuses influences de l'architecte tout en mêlant comme lui la préciosité du modèle (ici l'architecture du Bernin et la gravure de Piranèse) et la pauvreté de l'image (ici le caractère fruste de la carte postale) au programme architectural : des logements.
Mais je le redis, j'arrive à aimer ces endroits (Antigone ou Cergy) finalement comme on aime des monstres parce qu'ils sont... monstrueux.
Alors voici deux autres exemples en cartes postales. L'un que j'aime vraiment, l'autre qui franchement me fait rire (et c'est déjà ça).
Pourtant ils sont du même architecte : Manolo Nunez Yanowsky.
Commençons par le beau. Là :


Facile de localiser, nous sommes à Noisy-le-Grand devant les arènes de Picasso grâce à une édition Iris. Je ne m'étendrai pas sur le titre de l'œuvre et je préfère regarder l'image.
D'abord il y a, à n'en pas douter, l'ambition de faire signe, de raconter une histoire et de dire ouvertement ses références. Entre une aberration gothique filtrée d'un décor de Little Nemo, un dessin surréaliste, une prison de Piranèse, un détail gigantesque d'une œuvre de Gaudi.
C'est pour le moins inattendu, parfaitement dessiné et d'une belle étrangeté. On pourrait à loisir y voir aussi un décor de cinéma de science-fiction, voire un décor tout court limité par sa fonction même, l'épaisseur d'un rideau de scène.
Habiter là c'est sans doute dans l'esprit de l'architecte être habité...
Si des résidents veulent bien nous apporter leurs témoignages, ils sont les bienvenus.
Je peux essayer d'imaginer comment on grandit là, écrasé par ce décorum et marqué par ces formes si sensibles.
Mais là :


Nous sommes à St-Quentin-en-Yvelines, à Guyancourt-Vilaroy devant les "caryatides" !
Et c'est impossible de passer à côté !
Une édition Compa Carterie par Alain Téoulé photographe.
Comment ne pas voir là une sorte de résumé façon Las Vegas ou Disney mêlant dans un désir cultivé la jouissance d'un baroque de maison close à l'inutile référent classique.
On admirera la corniche en équilibre sur des boules à la Dali, œufs de béton rompant sans doute dans leurs courbes la droiture trop froide d'une ligne néo-classique.
Cela pourrait, comme tout décor, être finalement beau par son inutilité, comme une figure de proue sur un navire.
Mais la répétition même de cette Vénus portant sur son épaule la construction comme un livreur de chez Nicolas porte son casier six trous est trop drolatique pour que, comme dans l'exemple précédent on puisse croire à une citation de modèle.
Ici, c'est simplement s'autoriser au bibelot, au napperon sur le téléviseur.
Même la matière de la construction nous la fait passer pour du sucre en morceaux ou encore un carton plume de maquettiste.
Mais c'est drôle. Il faudra aussi dans le détail du panneau de voie sans issue déceler un indice sur l'avenir.
Alors quand l'architecte fait de même avec un commissariat de police à Paris dans le XIIème arrondissement, cela est euh... surprenant !
Et la garde à vue doit y être tellement plus joyeuse !